#51 - Etre mère et féministe, l'incompatibilité ?

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#51 - Etre mère et féministe, l'incompatibilité ?

Longtemps, et encore aujourd’hui, les féministes ont exclues les mères de leur discours et de leurs luttes.

Longtemps, elles ont considéré que vouloir un enfant c’était répondre favorablement aux injonctions patriarcales. Que cela « faisait le jeu des hommes » comme l’écrivait Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe ».

Féministe et mère, c’est incompatible. Faut choisir.

Parce qu’elles se battaient pour le droit à l’avortement et à la contraception, de très nobles combats, pour que les femmes puissent disposer de leurs corps et ne pas être QUE des mères, certaines féministes ont longtemps traité celles qui enfantaient comme des non-féministes, des faibles, des asservies voire des traitresses. Elles ont par là même longtemps oublié d’autres combats comme celui contre les violences obstétricales ou celui pour une meilleure répartition des tâches ménagères et donc de la charge mentale ou bien encore celui des mères racisées, notamment.

Ce que la fondatrice du mouvement Front de Mère, Fatima Ouassak, dénonce en rappelant que « Le combat des mères est un angle mort du féminisme. Les luttes menées par les femmes en tant que mères ne sont pas valorisées. Ce qui explique en partie pourquoi les combats de l’immigration et des classes populaires portés par des mères en tant que mères ne sont pas valorisées comme des combats féministes ».

Alors bien sûr, pas toutes les féministes ! Not all feminist ! Mais un certain nombre. Un certain nombre qui associent toujours maternité et aliénation.

Récemment, c’est ajouté à cela la notion d’urgence climatique et le coup d’un bébé, d’un enfant, d’un ado pour la planète, ces espèces de sales petits pollueurs !

Les mères, quand bien même elles se revendiqueraient féministes et écolo, sont mal vues. Si on veut être une bonne féministe, une bonne écolo, faut pas faire d’enfant !

Pourtant, on est bien content de les trouver celles-ci quand il s’agit d’élever et d’éduquer des garçons dès le berceau afin qu’ils ne deviennent pas, comme leurs pères, leurs grands-pères, leurs arrières grands-pères avant eux, de gros macho sexistes. Et tant pis si notre charge mentale de mère féministe de garçon s’en trouve alourdit de quelques bons gros kilos… Parce que là encore, en toute inégalité, en toute bonne discrimination, c’est aux mères que revient cette lourde responsabilité pour la société toute entière : bien éduquer leurs garçons. Et si malgré tout, ces garçons déconnent, c’est à leur mère qu’on s’en prendra, elles seront les seules fautives.

Etre mère et féministe, c’est une sacrée fardeau ! Le monde nous déteste mais le monde compte sur nous !

L’héritage du MLF que les mères-féministes revendiquent, sur les pas duquel elles règlent leurs pas,  n’est pas tendre avec elles. Il est parfois pénible pour ces mères et féministes, de voir leur féminisme remis en cause parce que mères. Faudra-t-il une révolution matriarcale pour qu’on entende vraiment les mères féministes ? Ne peut-on pas simplement, aider et soutenir les femmes à ne pas devenir mères malgré elles et aider et soutenir celles qui décident, librement et en toute conscience, de le devenir ?

Devenir mère c’est prendre le risque de renoncer à une carrière professionnelle, de voir sa charge mentale exploser, de ne pas oser porter plainte contre un homme violent parce qu’il est aussi le père de ses enfants… Mais pour certaines, devenir mère c’est aussi devenir féministe, parce que justement, c’est découvrir alors qu’on n’aura plus accès aux postes à responsabilité, qu’on devra prendre en charge toute la vie d’un foyer et qu’on ne sera plus considérée que comme une mère…

Pour changer les choses, il faudrait aménager les congés parentaux, moderniser l’organisation sociale du travail domestique, renforcer et assouplir les modes de garde et d’accueil des enfants. Mais pour cela il faudrait changer les mentalités, à commencer par celles de certaines féministes.

 

Avec Marine Combe, fondatrice du magazine Yegg : http://yeggmag.fr/ 

Elvire Moreau, volontaire en service civique à Canal B

Ayla Saura de la librairie La Nuit des Temps : https://www.facebook.com/librairielanuitdestemps/

 

Pour aller plus loin :

« La puissance des mères, pour un nouveau sujet révolutionnaire » de Fatima Ouassak (Front de mères)

- Association Parents et Féministes : 

  parentsetfeministes.com 

 

Musique :

- Tchewsky & Wood : I have you

- Death and Vanilla : Find another illusion